Ma formation se poursuit et nous étudions ensemble,
Farar et moi, le livre découvert dans les ruines antiques enfouies dans l'ancienne carrière où nous étions détenus
: la troisième partie du Nécronomicon. Son déchiffrage nous passionne autant l'un que l'autre, et force est de constater que souvent, nos compétences sont complémentaires. La traduction avance vite. Je m'attache à ne pas trop fatiguer le vieillard, mais il semble insatiable. Il ne néglige pas
l'aspect pratique de mon apprentissage. Doué d'une expérience très étendue,
il me guide et me corrige
très efficacement.

Un jour, le vieil homme m'entraîne à l'intérieur de ses quartiers. Déplaçant un tapis de prière, il s'agenouille devant une pierre plate. Lorsqu'il pose la main sur la surface de celle-ci, elle s'efface, libérant un passage large de 3
pieds environ. Une volée de marches s'enfonce dans les ténèbres. Le vieil homme s'engage. Me prenant la main, il m'entraîne avec lui dans l'obscurité complète. Au bas de l'escalier, une longue marche commence. Nous progressons sans lumière dans un passage dont la largeur se maintient à un peu plus d'un mètre. Le plafond est suffisamment haut pour que nous progressions debout. Le sol est parfois meuble, spongieux ou boueux, mais le plus souvent de roche nue, dure et froide. Les murs de roche sont taillés grossièrement, du moins pour ce que je peux en sentir.
L'air est frais et sec, très pur. Nous avançons aussi vite que l'agilité du vieillard le
lui permet, mais la marche s'éternise. De longues périodes de silence ponctuent notre
progression. De temps à autre nous échangeons quelques paroles, mais je n'ose pas demander où nous nous rendons, ni ce que nous faisons ici, de peur de dévoiler trop vite un secret important. Si le vieil homme ne m'annonce rien, c'est sans doute qu'il a ses raisons, bien que me reviennent
également en mémoire les causes de l'échec de Perceval dans sa quête du Graal...
Pour autant que je le sache, nous progressons en ligne droite.
En tous cas, aucun virage marqué ne vient perturber notre marche régulière. Mon initiateur ne faiblit pas alors que nous avançons déjà depuis une longue période. Rien ne semble devoir
perturber le silence de ces lieux excepté nos propres pas. Inconsciemment, j'évite d'être trop bruyant, mais je sens que mon guide fait alors exprès de traîner un peu plus les pieds pour me taquiner. Le temps passe longuement. A la fin, je n'y tiens plus : sans nous arrêter, je pose la question qui me brûle les lèvres depuis maintenant longtemps :
- Où allons-nous vieux sage ?
- Attends, tu ne seras pas déçu.
- Mais c'est encore loin ? (je me fais l'impression d'un enfant de cinq ans)
- Patience mon ami, patience !
Bon, ces paroles n'apaisent en rien mon esprit. Je tente de projeter mes pensées vers l'avant pour percer le secret de notre destination, mais rien... le néant le plus total. J'ai maintenant l'impression que nous sommes perdus dans les entrailles de la montagne et je ressens de plus en plus lourdement l'incalculable poids des roches qui nous surplombent, qui nous isolent du soleil et de l'air libre aussi sûrement que la mort la plus complète. Enfouis, emmurés, enterrés. Des bouffées de chaleur me montent
alors au visage. Je remercie l'obscurité de dissimuler mes rougeurs ! N'étant pas véritablement claustrophobe, cette sensation va et vient, plus ou moins puissante, mais jamais vraiment handicapante. Lorsqu'elle me gêne, une profonde inspiration vient chasser de mon esprit les mauvaises pensées qui tentent d'y germer. Allons-nous parvenir un jour au terme de notre expédition ? Je n'avais rien prévu pour un tel voyage souterrain et le vieil homme ne semble s'être muni d'aucune provision particulière. Rien que d'y penser, la soif me prend ! Nous continuons imperturbablement notre périple. Aucune perception : l'isolement complet. Nous sommes ici totalement coupés du monde. Rien ne vient perturber notre progression linéaire. Pas même la moindre pente, ni le moindre décrochement dans les murs. Un seul couloir,... interminable.
Le vieil homme avance toujours d'un bon pas et cela fait bien longtemps maintenant que nous n'avons pas échangé un mot. Il a pris un légère avance d'environ 2 mètres. Impossible de le manquer : il est tellement bruyant. De toute façon, nous sommes ici la seule source de vie, rien ne filtre. Puis, subitement, une idée jaillit : "Allons-nous vers la porte des Enfers ?".

Il ne s'arrête pas : le vieillard continue à marcher. Il ne répond
pas non plus. Le bruit de ses pas s'éloigne dans le couloir. Je le rattrape. Nous avançons à nouveau en silence pendant de longs moments. Je n'ose plus rien dire.
Subitement, il s'arrête.
- Que se passe-t-il grand-père ? Êtes-vous fatigué ?
- Ne t'inquiète pas de ma santé Wilherman. Passe plutôt devant.
Brutalement, la lumière du soleil m'aveugle. Je reste figé de stupeur : Une vaste forêt de pins s'étale devant moi. Je suis assailli par les senteurs de la forêt, des arbres, des aiguilles qui se décomposent,
de l'humus et des pommes de pin. Un petit vent frais parachève mon bonheur. Je m'habitue progressivement à cette luminosité. Midi est déjà largement passé. Comment suis-je sorti en quelques pas de la nuit la plus profonde pour être exposé à ce spectacle grandiose ?
En réalité, je suis sur une étroite corniche creusée à flanc de falaise. L'entrée de la grotte se situe à la hauteur des plus proches arbres, soit environ à une dizaine de mètres de distance et environ autant de haut. Au pied de cette niche, des éboulements témoignent encore de l'activité qui autrefois a permis le creusement de cet interminable passage. Le vieil homme ne m'accompagne pas, mais je distingue sa silhouette dans l'obscurité : il s'éloigne déjà.
Je comprends subitement que c'est là que réside l'espoir pour Aziz. Nous pouvons disposer ici de plus de bois qu'il n'en faut pour construire une cathédrale ! C'est seulement lorsque je recule pour prendre pied dans le couloir que je constate que la corniche n'est qu'un étroit passage dans une ouverture beaucoup plus large de la montagne. Celle-ci s'ouvre jusqu'au pied, ce qui permettra de faire passer des travailleurs !
Rapidement je pars pour rejoindre le vieil homme et le remercier de la part
d'Aziz. Mais à peine ai-je fait un pas dans le couloir que l'obscurité retombe, totale.
Me retournant, je constate que je fais face à un mur ! Mais comme les pas de mon guide s'éloignent dans le
couloir, je le rejoins pour l'aider à marcher.
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