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Il est remarquablement discret. Très peu d'éléments trahissent sa progression et nous le perdons fréquemment de vue. Il disparaît définitivement quelques minutes plus tard dans l'ombre des grottes.
- On lui laisse combien de temps ? demande Zendreff.
J'estime qu'une petite heure devrait amplement suffire. Elkior et lui semblent d'accord, ainsi
qu'Aziz à qui je répète l'information.
Les minutes passent.
- Oh, regarde ! me lance un Arabe. Plus patient que la moyenne, il n'avait pas quitté les trois grottes des yeux depuis la disparition de
Kryss. Il me désigne une flèche plantée dans les rochers à mi-pente entre les grottes et nous.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? demande Zendreff.
- Ca veut dire quoi ? s'enquiert Aziz.
Ils se tournent tous vers moi comme si j'étais omniscient ! Je n'en sais fichtrement rien. Sans doute Kryss tente-t-il de nous faire parvenir un message, je ne sais pas ! C'est effectivement la seule hypothèse qui me vienne à l'esprit. Quelle autre possibilité ? Je propose
que quelqu'un aille chercher le message sans doute accroché à la flèche ou gravé sur le bois. Devant l'immobilisme général, je m'engage sur la pente.
Celle-ci est composée de murs de un à trois mètres de haut coupés de failles, et auxquels on accède après avoir fait l'ascension d'une forte pente caillouteuse et
poussiéreuse, particulièrement glissante. Plus je progresse et plus je me rends compte de l'hostilité du terrain. Il est très sec, aride. Les quelques rares plantes qui tentent de croître à l'ombre des failles sont les rares signes de vie perceptibles du lieu. Le silence est également très lourd, d'autant qu'il n'y a presque pas de vent. Je tente d'imiter Kryss et de me glisser tel que lui comme un serpent entre les blocs rocheux qui garnissent les pentes. Je parviens au second mur. La flèche n'est qu'à cinq ou six mètres du bord, mais celui-ci frise les trois mètres de dénivelé. D'ici, la situation est nettement moins facile qu'il n'y paraissait en bas. Me glissant dans une ravine à peine plus large que moi, je me hisse à la force des poignets vers l'étage supérieur. Lorsque j'y parviens, je suis à quatre mètres à peine de la flèche : aucun message ! Alors que je tends le
cou pour vérifier qu'il ne se soit pas détaché à l'impact du sol, des sifflements inquiétants déchirent le silence. Des
traits s'abattent tout autour de moi. L'un d'eux traverse ma manche en m'effleurant l'avant-bras. Pris de panique, je rampe à reculons aussi vite que je peux. Je me laisse glisser en arrière dans la ravine toute proche et part au triple galop dans le sens de la pente. Une nouvelle volée me rattrape, puis une troisième.
Une flèche me déchire l'extérieur de la cuisse de haut en bas, et une
autre me coupe un bout d'oreille. Ma course s'emballe dans la pente, je passe un premier mur de façon alarmante et m'écrase en bas avant de continuer ma course en vrac au pied du second mur. Une accumulation sablonneuse
m'accueille avec une douceur relative, mais une avalanche de pierres solidaires de ma chute me rattrape douloureusement. Il ne reste plus qu'une
centaine de mètres avant de rejoindre mes camarades qui se sont retirés hors de portée des traits adverses, mais je suis rompu. Je ne sais pas comment traverser cette distance sans me faire abattre comme une perdrix à l'exercice.
Je suis encore en train d'y réfléchir lorsque les cris des Arabes attirent mon attention. Ils désignent du doigt la pente au dessus de moi. Des sifflements de flèches se font entendre. Mais les impacts me semblant lointains, je jette un regard vers la pente au dessus. Kryss est en train de courir comme un dératé.
Évidemment, il a beaucoup plus de style que moi ! Je réalise subitement que si je ne profite pas de l'occasion pour courir aussi, mes chances de sortir d'ici sont bien maigres. Rassemblant tout mon courage, je me jette dans la course... et m'affale à dix mètres de l'arrivée à cause des caillasses qui roulent sous mes pieds en tentant de me dépasser. Kryss arrive à peine quelques secondes plus tard et m'aide à me relever. Je suis complètement brisé par les mille égratignures et écorchures dont je suis couvert. Zendreff me toise d'un air hautain :
- Y'avait pas de message, évidemment !
- Comment ça, évidemment ? Tu le savais toi, qu'il n'y avait rien à voir ?
- C'était sûr !
Alors là, la moutarde me monte au nez lentement mais sûrement. Et pourtant je fais des efforts pour me contenir, mais mes douleurs ne demandent qu'à s'exprimer. Puisqu'il est si malin, pourquoi est-ce qu'il n'a rien dit le grand guerrier fils à Papa ? Pourquoi est-ce qu'il m'a laissé risquer ma peau. S'il a honte pour moi, il n'a qu'à le dire. Je feindrai ne pas le connaître. Non mais qu'est-ce que c'est que ces manières, ces façons de prendre de haut les gens qui prennent des risques pour débloquer une situation
alors que ces messieurs les guerriers avaient peur de les prendre eux-même. Je tente de réprimer ma colère, mais quelques mots bien sentis m'échappent tout de même, qui font bien rire
Kryss. Je me tourne vers lui pour lui demander assez fermement des explications. Ses réponses sont plus que vaseuses. Il semble qu'il ait fait ça à défaut de savoir quoi faire d'autre, mais prétend que c'était pour signaler qu'il était en danger !
ça pour sûr, c'était un moyen efficace ! Il nous révèle tout de même le fruit de ses investigations :
- Je me suis fait repérer, mais j'ai aperçu quatre soldats dans la grotte de droite.
- Mais tu es entré dans la grotte de gauche, ne dis pas n'importe quoi ! Zendreff semble un rien énervé.
- Laisse moi parler toi, je suis entré d'abord dans la grotte de gauche : elle est courte et vide, puis je suis passé discrètement dans la grotte centrale qui est encore plus courte.
- On ne t'a pas vu sortir !
- J'espère bien, le contraire m'aurait beaucoup déçu. C'est bien pour ça que c'est moi qui y suis allé ! Avec une discrétion comm...
Je l'interromps illico, sinon on en aurait pour une bonne demi-heure de dispute stérile. Ces deux là sont complètement inconscients du danger qui nous entoure. Ils s'imaginent dans une taverne en train de discuter le bout de gras devant une chopine ou quoi ?
L'insolent et le voleur ! Beau tableau !
- C'est bon, continue ton récit Kryss, et laisse le parler Zendreff.
- Mais il a tout de même risqué ta vie avec sa flèche "messagère" complètement absurde.
- Et bien il saura à l'avenir se faire plus explicite et nous saurons nous faire plus compréhensifs.
Kryss reprend après un profond soupir :
- J'en ai repéré deux sur les bords. Ils sont invisibles d'en bas, mais ont une ligne de vue sur les archers embusqués en haut et dirigent
les tirs car eux n'ont pas de ligne de vue directe sur la pente en contre-bas. Si on les supprime... Bon, dans la grotte centrale, il y a une faille qui s'ouvre en haut de la mesa, mais surtout qui communique avec la grotte de droite. Je m'y suis glissé et j'ai vu quatre Mongols.
- Et le vieux ? demandai-je plein d'appréhension.
- Je ne crois pas. J'ai failli me faire repérer et j'ai dû reculer dans la faille, mais ils m'ont entendu et contourné. C'est en les voyant se présenter à l'entrée de la grotte
derrière moi que j'ai paniqué et envoyé une flèche à l'extérieur. Ca n'a servi à rien qu'à les aider à me repérer dans l'obscurité...
Zendreff le coupe une fois de plus :
- En bref, tu ne voulais pas mourir tout seul et donc tu as cherché à nous attirer dans le piège pour te tenir compagnie. Belle solidarité !
- C'est bon Zendreff, arrête un peu et calme toi. J'aimerais que tu prennes un peu mieux en compte mes remarques à l'avenir !
Écoute et réfléchis à l'utilité de ce que tu dis avant de le dire. Est-ce l'effet du ton professoral qui fait effet, ou simplement le fait que, cette fois ci, je suis à mon rôle et donc moins ridicule qu'en guerrier héroïque ? En tout cas, cette fois ci il se tient coi. Je me tourne vers
Kryss, mais il déclare n'avoir plus rien à ajouter d'utile.
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