Arbre des Séphiroths

 

  Il ne faut pas trop réfléchir, car l'effet est de courte durée ; du moins en ce qui me concerne car dès franchi le rempart du premier mur, mes tripes se nouent à nouveau et le souvenir de la morsure des flèches me revient douloureusement en mémoire.

Rien ne s'est passé jusqu'à ce que nous ayons commencé à fouler la troisième pente. Subitement, trois archers ont pointé le bout de leur nez au bord de l'à-pic, inquiets de ne plus avoir de contact avec leurs vigies. L'alerte fut immédiatement transmise, et dans la minute qui suivit, trois volées de flèches avaient commencé à clairsemer nos effectifs. Mais, en l'absence de guidage fiable, presque tous les Arabes sont parvenus au pied des grottes où nous sommes protégés par le surplomb. Aziz hésite sur la façon d'investir les cavernes obscures. Il fixe Kryss pendant quelques secondes, puis se retourne vers moi :
- Éclaire ces lieux comme tu l'as fait l'autre nuit.
Je suis un peu surpris. Comment faire ? Je n'ai pas de méthode infaillible. Je fais tout cela encore un peu à l'intuition. Mon pauvre vieux maître serait fier de moi, lui qui faisait sans arrêt l'apologie de l'intuition, mais je ne commande pas mes intuitions, du moins pas encore... est-ce seulement possible ? Une foi profonde me susurre que ça l'est, mais j'ai du mal à percevoir sa voix. Elle est si faible et fragile !
Mon attention se projette dans la pierre que me tend Aziz. Je la serre dans mes paumes, fermement. Je la presse et ressens cette pression de l'intérieur. Je me projette dans les fibres de la roche, les active, augmente la pression et tente de révéler l'amour de Dieu dans cette pierre. L'amour divin est partout : il attend qu'on le réveille. La pierre réagit d'abord faiblement, puis avec enthousiasme. Je suis un canal d'amour entre Dieu et cette pierre qu'il Est.
- "Fiat Lux !... Et Lux Fuit."
Je ne sais pas trop ce qui m'a inspiré ce verbe. Sans doute leur parfaite adéquation à la situation. Quand je me détends et ouvre les yeux, la pierre luit d'une belle lumière blanche. Je la rend à Aziz. Pris d'une inquiétude religieuse, il n'ose pas la saisir. C'est du moins ce que je crois jusqu'à ce que je comprenne qu'il a surtout peur de se brûler !
- L'amour de Dieu ne peut pas blesser ses créatures. Tu n'es pas un démon Aziz : tu peux saisir cette pierre dont la lumière ne te fera aucun mal. Les autres Arabes sont fascinés et fixent intensément la pierre, témoins d'un miracle. Rapidement, comme s'il avait peur de se brûler, Aziz s'empare du caillou et le projette à l'intérieur de la grotte.
- A l'assaut mes frères, en avant !

Moins d'une minute se passe avant qu'ils ne ressortent. Tout est fini. Je m'avance dans l'obscurité, guidé par la lueur de la pierre miraculeuse. Des ombres circulent un peu dans tous les sens, me croisent pour ressortir en traînant les corps des victimes mongoles. Il y a tout de même trois Arabes mortellement blessés et pour lesquels il n'y a plus rien à faire. Un quatrième a le bras largement ouvert du biceps presque jusqu'au milieu de l'avant-bras. L'os du coude est nettement visible et le sang s'écoule en jets puissants. Je tente de stopper au plus tôt l'hémorragie et lui prodigue les premiers soins. Il faut recoudre très vite. Je demande à deux guerriers de l'amener au soleil car il est trop faible pour se déplacer seul. Là, il semble déjà respirer mieux. Au bout de dix minutes, je lui ai fait une jolie couture de près de 30 centimètres de long. Il a enduré le traitement de façon très honorable. Quelques herbes antiseptiques agrémentent l'épais bandage qui lui bloque le coude.

Dès que j'ai fini, je me dirige vers Aziz pour lui poser la question qui me brûle les lèvres depuis la fin des combats : où est le vieil homme ? Je redoute la réponse, mais tant pis, je tente :
- As-t-on appris quelque chose du vieil homme ?
- Pas encore.
- Mais il ne reste plus de Mongols, ils sont tous morts !
- Ils ne sont pas tous morts. Il y a deux captifs, et les chiens d'archers se sont une fois de plus enfuis ! Nous allons devoir les poursuivre, mais l'espoir s'amenuise d'heure en heure.
- Alors nous partons immédiatement ?
- Oui, nous ne pouvons pas perdre de temps. Je vais envoyer un messager alerter l'arrière-garde. Ils tenteront de nous rejoindre plus tard. Au pire, on se donne rendez-vous dans deux semaines au camp de base. Cela devrait nous laisser le temps suffisant pour rejoindre ces mécréants et les exterminer jusqu'au dernier. Ils ne le savent pas encore, mais plus ils nous feront courir, plus ils mettront de temps à mourir.
- Aziz, ce sont de cruelles pensées. Tu ne dois pas faire souffrir les créatures de Dieu. D'autant moins lorsqu'il s'agit de ton prochain. Si tu étais mongol, tu souhaiterais mourir en guerrier plutôt qu'en voleur j'imagine.
- Je ne suis pas Mongol. Tes paroles de chrétien ne résonnent pas à mes oreilles. Regarde ce pays. Si Dieu était si bon, pourquoi cette terre est-elle si aride ? Pourquoi mon pays est-il malheureux ? Ne donne pas autant de leçons, alim Wilherman. Non pas qu'elles ne soient pas bonnes, mais mon Dieu est un Dieu de Justice. Il est des choses qu'on ne peut pas tolérer. Ces terres doivent être protégées des Mongols pour la simple raison que ces Mongols ne croient en rien. Leur as-tu déjà parlé ?
- Non, je ne comprends pas leur langage.
- Leurs croyances n'ont rien de chrétien. Leur Dieu n'est qu'un panthéon d'idoles sans valeur, qui ne représente rien et n'ont aucun pouvoir. A tel point qu'ils en ont plusieurs, imaginant sans doute que les forces des uns combleront les faiblesses des autres ! ils sont pitoyables.
- Ils sont à l'image de nos propres ancêtres Aziz, ne les juge pas pour cela.
- Tu donnes encore des leçons, prêtre !
- Non pas, Aziz, je fais des constatations. Toi et moi sommes beaucoup trop jeunes pour comprendre ces Asiatiques. Ils sont d'une autre race, la troisième, qui est déjà ancienne. Mais nous avons tout de même encore des choses à apprendre d'eux. Ils sont nos ennemis,... à nous de faire en sorte qu'ils soient aussi nos instructeurs.
- Je suis un guerrier, ces choses là ne m'intéressent pas.
- Détrompes-toi Aziz, les choses de Dieu intéressent tout le monde. Peut-être même davantage encore les guerriers qui risquent leur vie en semant la mort.
- Arrête alim, m'interrompt-il d'une bourrade avec un large sourire, dans quelques instants je risquerais d'être mûr pour retourner à l'université ! Va, va dire à tes compagnons que nous repartons. "Dieu guide qui Il veut sur le chemin" !

 

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Dernière mise à jour le 26-07-2000
Par ObiWan