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Zendreff est épuisé, mais ne se l'avouera jamais tant qu'un ennemi restera debout sur le champ de bataille. Je parviens difficilement à mobiliser son attention pendant un temps suffisant pour lui prodiguer quelques soins. Il ne souffre d'aucune blessure
critique et je parviens rapidement à le soulager. Mais il en faudrait plus et je me remémore alors les leçons de mon maître. Je tente d'entrer en communion avec son corps d'énergie. Il est faible mais bien présent. Je me projette à l'intérieur et tente de restaurer la subtile harmonie des musiques qui permet, se répercutant jusqu'au monde physique, d'avoir un effet perceptible par le commun des mortels. Je ne suis pas encore très performant, mais je parviens tout de même à un certain résultat et lorsque je sors de cet état de conscience, Zendreff souffre moins. Quelques-unes de
ses blessures les plus graves sont en bonne voie de guérison et je n'ai détecté nulle trace d'infection. L'inconvénient de la méthode, c'est que le sujet gagne une sorte de sentiment d'impunité, d'invulnérabilité. Je tente de retenir le paladin, mais... c'est inutile,... il est déjà reparti.
Les combats durent encore quelques longues minutes à l'issue desquelles
nos guerriers mettent en fuite ce qui reste des archers et des fantassins mongols. Lorsque le bruit des armes
s'arrête enfin de résonner dans le petit cirque rocheux, les gémissements des blessés lui succède lentement. Pour moi, le combat commence. Je dois essayer de faire un tri impossible entre les blessés trop graves et ceux qui peuvent attendre encore quelques heures pour me concentrer sur ceux qui nécessitent une intervention urgente. J'ordonne aux cuisiniers de faire bouillir de l'eau et commence à prodiguer un maximum de soins aux cas urgents. Lorsque j'en arrive à la fin de la liste, plusieurs heures sont passées et je suis moins même épuisé. Il faudra, si nous sommes amenés à nous
côtoyer encore longtemps, que je parle à Aziz de former un assistant. J'ai déjà repéré parmi les deux jeunes un candidat potentiel. Mais nous verrons
cela plus tard car à présent je retourne vers Kryss que je retrouve mieux qu'avant ! Son cas est très étonnant. Dès qu'il me reconnaît, il s'adresse à moi :
- J'ai faim !
- Nous n'avons pas grand'chose, je vais voir ce que je peux te trouver.
- Vite, j'ai faim !
- Bon, y'a pas urgence ! Et puis tu ne dois pas manger trop vite et en trop grosses quantités. Ton organisme est encore faible, ne va pas le plomber.
- Vite, j'ai faim !
Bon, au moins, il parle de façon claire à défaut de cohérente ! Il ne doit pas être si affamé que
ça. Je rejoins le "coin cuisine" que les cuistots se sont aménagé et réquisitionne quelques portions de viande salée et une part de
gâteau de fèves. Tout cela est ingurgité en quelques secondes ! La bouche encore pleine, Kryss me fixe droit dans les yeux avec un regard halluciné et reprend son refrain :
- J'ai faim !
- Tu viens de manger plus qu'il n'en faut. Repose-toi encore.
- Mais j'ai faim !
- Non, tu n'as plus faim. Et même si tu as faim, tu n'as plus besoin de manger. Ton esprit est plus dérangé que ton estomac : tu ne sais plus si tu as faim ou pas.
- J'ai faim !
Quoi que je fasse, c'est peine perdue. Au bout de cinq minutes j'abandonne la partie : son vocabulaire a été singulièrement amputé. Plusieurs hypothèses me viennent à l'esprit, mais aucune ne tient vraiment la route. Il semble qu'il exprime
correctement sa pensée : il a faim ! Mais il n'est pas possible de lui accorder plus. Nos réserves sont assez limitées et ne dureront guère que quelques jours. L'ombre envahit rapidement la faille dans laquelle nous campons, puis nous entrons lentement dans la nuit.
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