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La nuit a été très courte. Le trajet de retour jusqu'au camp m'a paru durer des heures. Et encore, je n'avais que ma propre carcasse à transporter, tandis
qu'Elkior portait Zendreff sur ses épaules à tour de rôle avec un Arabe. Les deux autres Arabes portaient également l'un des leurs et Aziz portait à lui seul un troisième corps, refusant l'aide de ses hommes pour porter l'un des ses gardes personnels.
Aziz n'a pas pris de repos cette nuit là. Quant à moi, mon sommeil, entrecoupé des cris des Mongols torturés à mort, fut de qualité plus que médiocre et certainement pas réparateur. Au petit matin, des Arabes me réveillent : "Seigneur
alim (c'est ainsi qu'ils désignent les érudits, les philosophes
religieux), ton ami le mort est tombé dans une crevasse : on l'a retrouvé ce matin avec une sentinelle. Ils sont tombés d'en haut !" La nouvelle, pourtant alarmante, me tire avec difficulté de ma torpeur, et j'ai les plus grandes difficultés à me lever. De douloureuses contractures me paralysent, à la hanche et au cou. Mais ma cheville semble nettement mieux. Enfin je me lève et les rejoint, après m'être assuré, vaguement inquiet, que Zendreff et Elkior étaient toujours là. Ils le sont, encore ensommeillés. Je les laisse profiter encore. En chemin, je m'enquiers du sort du torturé. Je ne suis pas étonné d'apprendre qu'il est mort, ni d'apprendre que son compagnon a parlé et nous a indiqué où devaient se replier les soldats retenant le vieil homme.
Kryss ne semble pas avoir beaucoup souffert de la chute. Je suis d'autant plus étonné qu'il ne présente pas vraiment des traces de chutes, mais plutôt des traces de coups et d'entailles bien nettes !
- Tu t'es battu Kryss ?
- Oui, on s'est battu contre un Mongol qui nous a attaqué.
- Mais où est-ce que tu étais ?
- Ben là-bas, en haut. J'ai rejoint une sentinelle pour discuter un peu. Tout le monde était parti se battre. Il ne restait plus que moi, les cuistots, les aides qui s'occupaient des chevaux, et les sentinelles.
- Un Mongol vous a attaqué ? Mais un seul ?
- Bah ouais !
- Mais il venait d'où ?
- J'en sais rien ? Peut-être un survivant isolé ?
- Oui, peut-être.
Kryss a un air étrange, rien moins que troublé. Ses yeux sont embués comme s'il était ébloui. Et puis il a un air particulièrement
faux. Depuis le temps que nous le fréquentons, je crois qu'il ne sait absolument pas mentir. Ca se lit immédiatement comme le nez au milieu de la figure dès qu'il débite un mensonge. Là, il semblerait que ce soit le cas ! Mais pourquoi est-ce qu'il ment ? mystère ? Au moins, il ne parle plus d'avoir faim.
Subitement, un horrible doute m'assaille.
C'est tellement terrifiant que mes tripes se nouent en quelques secondes, et je sens mes cheveux se dresser sur ma tête. Je coupe court à l'entretien : j'ai trop peur de découvrir une terrible vérité. Je me dirige vers le cadavre de la sentinelle. Les Arabes qui sont là me connaissent et me laissent agir. Je découvre lentement les blessures du soldat...
... des morsures !
Des lambeaux entiers de chair ont été arrachés avec les dents dans les parties charnues du corps de l'homme. Incrédule, je parcours de l'index les replis de chair dentelée. Au niveau du cou, les blessures sont particulièrement profondes. Il a été presque entièrement déchiqueté, laissant à nu uniquement les cartilages et les os. Les cuisses sont complètement ouvertes. Il semblerait même, étant donné les épanchements sanguins qui se sont coagulés tout autour des blessures, que la victime ne soit pas morte immédiatement ! Je recouvre le cadavre d'un geste brusque. Seule une méditation pourra me permettre de retrouver suffisamment de sérénité pour agir efficacement. Je me plonge immédiatement dans la prière.
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