Dans la nuit du lendemain, nous
reprenons notre expédition, en nous dirigeant cette fois nettement plus
à l'est, de façon à contourner l'éperon rocheux par la droite.
Notre progression, bien que malaisée, est tout de même suffisamment
rapide et silencieuse. Nous parvenons au bas d'un gigantesque éboulis,
sorte de chaos de rochers aux arêtes arrondies. Nous nous glissons le
plus discrètement possible entre les blocs sous la conduite de Kryss.
Envoyé en éclaireur, celui-ci nous mène à une corniche d'où nous
avons une vue globale et détaillée du camp qui s'étale à nos pieds.
Le camp mongol est gigantesque ! Tout du moins si
l'on se réfère à nos standards du moment. La comparaison avec nos
propres moyens est presque risible. Toutes nos mauvaises impressions de la
veille sont confirmées. Le malaise puis l'angoisse nous envahissent
rapidement. Aziz lui-même perd un peu de sa superbe
Dans le campement des Mongols (ou encore des
Tartares tel qu'on croit les entendre s'appeler entre eux) nous recensons
un certain nombre d'éléments intéressants : plusieurs longues
échelles, deux "tortues" ou vineae, deux tours mobiles,
d'autres constructions plus massives qui pourraient également ressembler
à des tours, divers objets pouvant ressembler à des balistes et même
des catapultes de petite taille, style onagres. En vrac encore, de
nombreux madriers, poutres et divers éléments de charpente.
Elkior est perplexe. En qualité de spécialiste,
il estime les forces en présence totalement disproportionnées. Mais
alors que nous commençons à descendre, Aménis est de retour et marmonne
dans sa barbiche : "Bigre, ils ont fait des progrès !"
Si tout le monde a compris que la situation est
désespérée, j'ai surtout l'impression d'être coincé entre deux pages
de Tite-Live, version Attila.
Au retour, les ouvriers sont alarmés : peu avant
notre arrivée, un groupe d'Asiatiques s'est présenté devant la falaise.
Les ouvriers dissimulés derrière la barrière sans tain ont eu les plus
grandes difficultés à garder leur calme lorsque l'un des ennemis s'est
approché très près de la barrière. L'un d'entre eux a fini par craquer
et à décoché une flèche à bout portant contre cet intrus qui semblait
renifler la paroi. L'homme a sursauté mais n'a pas réagi outre mesure,
comme si la flèche n'avait pas atteint sa cible ! Impossible pourtant
qu'il ait pu la manquer !
Nous constatons également que deux ouvriers ont
disparu mystérieusement sans que nous ne constations quoi que ce soit. Et
sur les 6 hommes qui se sont aventurés dans la forêt, trois ont été
retrouvées morts et trois autres ont disparu !
En avançant un peu du côté où les intrus sont
partis, nous avons l'impression de suivre les traces de trois personnes
qui en traîneraient trois autres inconscientes, puis subitement, nous ne
voyons plus que deux sillons. Le troisième a disparu pendant quelques
mètres, semblant faire la place un peu plus loin à des traces de pas
espacées, comme ceux que pourrait laisser une personne qui court !
Qu'a-t-il pu se passer ? Je ne peux m'empêcher de penser qu'une sombre
créature est infiltrée ou dirige ce groupe et s'est arrêtée un court
instant pour consommer sa damnation avant de rejoindre le groupe. Si nous
cherchions un peu, nous découvririons certainement un cadavre camouflé
quelque part...
Dans la journée, nous prenons un repos bien
mérité. L'équipe de jour s'est mise au travail, plutôt fébrile au su
des événements de la nuit précédente. Lorsqu'il sort de sa léthargie,
Elkior estime le volume de travail nécessaire à environ 4 jours plein,
à condition de conserver l'organisation en deux équipes.
Mais dès la première nuit, les choses tournent
mal. Cependant, nous avions correctement prévu notre défense. Cerné par
une série de feux soigneusement entretenus, notre camp est brillamment éclairé. Lorsqu'une créature jaillit de la nuit et s'approche, elle est
immédiatement repérée.
Plongé dans une intense concentration, son
déplacement attire immédiatement mon attention. Elkior est au point le
plus éloigné de sa ronde, ce qui est évidemment volontaire de la part
de l'intrus. Dès que j'ai donné l'alarme, Elkior s'est retourne vers moi
pour comprendre. Un instant de concentration et une violente illumination
met en évidence la menace ! Surprise, la créature est figée sur place. Elkior
profite de son hésitation pour lâcher deux flèches. La
volée est superbe. A quelques secondes d'intervalles, les deux traits la touchent en plein crâne !
Mais pas un cri ! L'agresseur semble encaisser
sans broncher. Elle arrache les flèches une à une, marque un temps
d'hésitation,... et rebrousse chemin dans la profondeur obscure de la
forêt.
Inévitablement, le travail est nettement
ralenti. Mais son l'impulsion active d'Elkior, le retard est minimisé
autant que possible.
Dans la journée, soit les gardes d'Aziz tiennent
par leur simple présence les intrus à distance, soit ils attendent
eux-même la nuit pour agir. Quoi qu'il en soit, les traces repérées ne
sont pas exploitables. La nuit succède tranquillement au jour...
Sur les conseils de Farar, Aziz se lance dans de
longues méditations après m'avoir demandé la permission de consulter ce
qu'il appelle "Le Livre des Morts". Farar lui aurait assené des
préceptes aussi vagues qu'étranges du style : "Combattre tu sais, maintenant le
Savoir tu dois combattre" - "Avant d'accepter, tu dois avoir
les moyens de refuser, alors tu prendras et ne recevras pas" -
"Un Protecteur doit savoir d'abord se protéger lui-même" -
"L'esprit maîtrise les esprits, les esprits maîtrisent la matière",
etc.
Notre dispositif est inchangé. Il est même
renforcé par la présence de Zendreff et celle de Kryss envoyé en
protection avancée dans les profondeurs de la forêt avec pour consigne
de ne pas prendre de risques et de donner l'alerte au moindre mouvement
suspect. Malheureusement, la dissuasion ne suffira pas : le lendemain, 2nde
intrusion : assaut en ordre.
Quatre guerriers se précipitent au centre du
camp. Immédiatement repérés par mes soins, l'alarme est donnée. Les
ouvriers se précipitent à l'abri dans le souterrain d'accès. Les
Asiatiques attaquent une pile de troncs (???) tandis que le chef apparent
se dirige plutôt vers les ouvriers attardés. Dans un mouvement d'une
fluidité merveilleuse, Elkior plante à nouveau l'intrus de plusieurs flèches,
tandis que je l'éblouis ! Désorienté, il rebrousse maladroitement
chemin vers l'orée de la clairière. Zendreff repousse les trois autres
agresseurs pendant que nous partons tous deux à la poursuite du chef en
criant à l'aide.
Kryss perçoit les cris et revient en courant vers le camp. Il arrive à
quelques mètres du bord de la clairière lorsqu'une ombre jaillit des
ténèbres et le fauche en pleine course, me révélant sa présence.
Kryss s'écroule comme une masse, foudroyé par le coup.
Arrivé sur les lieux, je n'ai pas pu percevoir
clairement le drame qui se nouait, mais les lueurs des torches qui
parviennent jusqu'ici me révèle le soldat qui était resté en
embuscade. Sa présence n'est pas naturelle : il émane de lui une
aura glacée et ses mouvements sont d'une rapidité surnaturelle. Dans le
doute, je me concentre intensément sur la technique que j'ai apprise
récemment dans le livre des Morts. Je vide mon esprit et laisse l'esprit
de Vie guidé par la Foi émaner de ma personne. Le résultat est
d'intensifier brutalement l'énergie vitale qui se dégage naturellement
de mon corps et de la rendre insupportable aux créatures surnaturelles.
Visiblement, la manoeuvre est effectuée avec
succès. La créature projetée à terre ! Mais elle se redresse
brutalement et se jette sur moi tandis que je reprends mes esprits. Nous
roulons à terre et pendant la lutte, la créature me mord cruellement à
la base du cou, une nouvelle vague de foi pure repousse violemment l'agresseur
qui fuit alors, visiblement mal en point.
Pendant ce temps, Zendreff a repoussé les trois guerriers asiatiques,
heureusement peu expérimentés. Elkior s'était élancé à la poursuite
du chef supposé de l'assaut, aveuglé par la lueur magique invoquée sur
lui, mais celui-ci a pu disparaître dans la nuit.
En revenant prudemment vers nous, Elkior me récupère choqué. Un peu
plus loin, nous découvrons Kryss gisant grièvement blessé. Je tente de
me ressaisir pour lui prodiguer les soins indispensables pour lui sauver
la vie.
De retour dans le réseau troglodyte, nous nous inquiétons auprès d'Aziz
du déroulement des événements : les premiers Asiatiques se
présentent à l'ouverture du petit cirque sur lequel donne nos murailles.
Zendreff et Elkior estiment le temps nécessaire à leur déploiement
complet à quelques jours encore que ce dernier et Kryss décident de mettre ce temps à profit
pour
aller chasser et assouvir en toute sérénité leurs bas instincts de
tueurs
dans la forêt.
A l'aube du cinquième jour, comme ils ne sont toujours pas de retour et
que la menace se précise très nettement, j'appelle mon assistant et nous
décidons d'aller les chercher avec une brouette afin de les
ramener. Comme il fait jour, ils seront certainement endormis.
La marche est longue mais tandis que nous approchons de l'extrémité, la lueur d'une torche illumine
le bout du couloir.
Approchant prudemment, nous découvrons deux corps
attachés par les poignets à une chaîne passée dans un anneau au
plafond.
Mutilés par de longues coupures sanglantes, je reconnais Elkior
et
Kryss mais ne saurais dire s'ils sont morts ou vifs. Le long des murs,
deux
gardes semblent dormir. Prudemment, je m'approche plus près et
découvre du bout de mon marteau de guerre ses canines ensanglantées : un vampire. Rapidement
Adjif me tend un
pieu et pour exterminer la créature. Mais celle-ci
se
réveille soudain et me saute à la gorge. J'ai à peine le temps de crier à
mon
assistant de
s'enfuir et m'en trouve gravement blessé au bras. Le vade-retro que je
tente désespéré fonctionne
toutefois
et la créature est violemment propulsée contre le mur. Elle s'effondre
lentement ; des volutes de fumée s'élèvent de sa peau trop pâle. Mais
la
manoeuvre a éveillé la seconde créature qui se jette également sur moi
et m'arrache la gorge. La douleur ne vient pas immédiatement, mais un
gargouillis de mauvaise augure et des chairs poisseuses et sanguinolentes
teintent très vite mes vêtements tandis que je recule lentement. Epuisé,
j'essaie une dernière invocation, mais je tombe, victime de
la
cruauté de mon agresseur avant de conclure la manoeuvre.
Le réveil a lieu dans le couloir obscur, transbahuté dans une brouette
et à moitié étouffé par le corps d'Elkior. Kryss est en train de la
pousser. Il n'y a plus ni chaînes ni vampires à l'exception de mes
compagnons. Nous échangeons peu de mots et nous contentons de
rallier les caves troglodytes. Je n'ai plus aucune blessure, comme si un
mauvais cauchemar s'était abattu sur moi. Paralysé par la terreur, je
n'ose poser la moindre question.
Je me sens particulièrement mal et rejoins au petit matin Zendreff
sur
les remparts. On me prescrit un enfermement total à l'exception d'une
visite
préalable chez le Vieux, car je soupçonne être un vampire potentiel
suite à
l'attaque du couloir. D'ailleurs la lumière du jour m'est déjà difficilement
supportable.
Le Vieux ne peut rien faire pour moi, si ce n'est hâter ma transformation.
Aziz s'est porté volontaire pour des rituels obscurs pendant lesquels j'avais depuis longtemps perdu connaissance. Au terme des cérémonies,
je suis un vampire complet et m'horrifie moi-même.
M'enfermant toutes les nuits dans une cellule, je poursuis mes études
du Necronomicon. Je ne m'accorde qu'une sortie la nuit sous la garde de Zendreff lorsque
je suis sûr de me maîtriser et une sortie au jour
naissant
pour tenter de résister au lever du soleil. Mais toutes mes tentatives sont
vaines : même le plus faible rayon m'inflige des blessures douloureuses
qui me feraient fuir si je ne sombrait pas instantanément dans une
profonde torpeur au même
instant. Zendreff me ramène à chaque fois dans ma cellule.
Dans la journée, le Vieux étudie le livre avec Aziz, présent lorsque
les
mouvements des Mongols lui permettent.
Dans la nuit, Kryss et Elkior tentent des incursions au péril de leur vie
dans le camp ennemi. A l'occasion de l'une d'elles, Kryss rencontre un
guerrier qu'il pense être un vampire et combat contre lui très
efficacement.
Cependant, manquant de force, il est obligé de rompre le combat. Appelé
à la rescousse, je le repère dans les rochers, agonisant, et permet à Zendreff de le récupérer.
Tous les deux lui sauvont encore une fois la "vie".
La même nuit, un lanceur de sorts tente de s'infiltrer dans le camp arabe
et
de déverrouiller le mécanisme d'ouverture de la passerelle mobile. Je
le repère presque par hasard et lance l'alerte. Zendreff et lui se jette à l'attaque. Dans
sa
fuite, le maître des arcanes lance un sortilège qui génère une grosse
boule
de feu qui me brûle grièvement alors que je suis encore mal remis de mes blessures
précédentes. Zendreff lance tous les archers contre le magicien et
rejette le
globe flamboyant au bas de la muraille où elle s'éteint d'elle-même. La passerelle continue de glisser
doucement vers le bas du mur. Zendreff la bloque et commence à la
remonter,
mais déjà quelques guerriers ennemis ont pris pied dessus et tentent de
couvrir le mage. Mal leur en prend car ils sont criblés de flèches par
les
défenseurs. Pendant ce temps, les autres initiatives des agresseurs sont
systématiquement repoussées par les arabes qui rejettent toutes leurs
échelles avec de longues perches prévues à cet effet. Les rares Mongols
qui
prennent pied sur le mur sont rejetés impitoyablement.
Les nuits d'enfermement se succèdent. A
l'occasion de l'une d'elles, Elkior, visiblement désireux de parler, me
demande d'approcher. En fait, l'étincelle de cruauté dans le regard me
confirme qu'il s'agit d'Aménis. Il semble désireux d'échanger des
propos, d'abord incohérents, mais que j'oriente rapidement vers son
histoire personnelle. Il n'avait rien contre le fait de l'évoquer et me
raconte volontiers son extraordinaire odyssée à travers le temps.
Aménis vécut dans les années 670 av JC. sous
le règne de Assar-Haddon, Roi de Babylone et des Assyriens. Il était
simple soldat lorsqu'il participa à la campagne d'Égypte et au pillage
de Thèbes. A cette époque, l'Égypte fut partagée entre 20 petits
royaumes et Assar-Hadon se proclama "roi des rois d'Égypte"
(-671) avant de s'en retourner en Assyrie pour d'autres conquêtes.
Aménis resta en Égypte avec l'arrière-garde
pour assurer que les rois respectent bien leur serment de fidélité et
surtout paient leur tribut à Babylone. C'est alors que la politique des
palais remplaça celle des champs de bataille et les féroces guerriers
chaldéens commencèrent à s'ennuyer, se sentant oubliés de leur patrie
et de Marduk, leur dieu.
C'est alors que vint le temps d'Astartis, un
capitaine ambitieux qui rêvait de gloire et de conquête. Il commença à
faire de l'ombre à certains rois mis en place par Assar-Hadon et à
prendre l'initiative d'avancée militaires au delà des frontières de l'Égypte.
il se servit des butins amassés et du détournement des tribus versés à
Babylone pour se constituer une véritable petite armée parallèle en Égypte.
Astartis s'attachait la loyauté de ses hommes
autant par la promesse de conquêtes que par la crainte qu'il inspirait.
Il faisait taire les scrupules par l'octroi d'une solde fédératrice et
faisant empaler les incorruptibles. Aménis eut bientôt la chance de
faire partie de la garde rapprochée d'Astartis, bien que personne ne
l'approchait vraiment. Astartis, doté d'un teint très pâle, avait
l'habitude de ne sortir que la nuit. On disait qu'il pratiquait la magie,
qu'il aurait apprise lors d'une de ses expéditions. Il était capable de
prouesses physiques qui lui auraient été données par les Dieux, sans
que personne ne sache vraiment lesquelles. Il portait une couronne d'or
sur la tête, qui semblait par moment s'illuminer sans lumière. Il
passait de longs moments enfermé à lire un livre dont on disait qu'il était
fait en peau humaine. On disait également qu'il n'éprouvait ni la fatigue
ni la faim.
Vint le jour où Astartis décida que l'Égypte
était trop petite pour lui et se prit à convoiter la couronne de
Babylone. Il emmena le gros de ses troupes avec lui en direction de
l'Assyrie. Nul ne sut vraiment quels étaient les desseins d'Astartis. Son
armée perdit du temps du côté des montagnes d'Arménie. Les hommes
commencèrent à douter et à redouter l'affrontement avec les troupes d'Assar-Hadon.
Ce moment ne vint jamais. Il est probable que nul à la cour de Babylone
n'entendit parler du prince rebelle.
Leur dernière bataille fut leur première défaite.
Aménis comme d'autres furent persuadés d'une trahison. Leurs ennemis étaient
composés pour partie de Babyloniens, mais également d'autres hommes
n'arborant aucune couleur. Aménis se battit contre l'un deux. Son épée
le traversa de part en part, mais cela n'eut pour effet que de le faire
sourire, non d'un air menaçant mais plutôt compatissant. L'homme était
vêtu d'une longue cape noire et des yeux de braises luisaient sur un
masque blafard. L'homme mystérieux cassa l'arme sur ses genoux et le pria
de cesser le combat. Aménis se rendit alors que le combat était bientôt
terminé, la rage au coeur.
Astartis fut maîtrisé par des hommes vêtus de
capes noires. On le débarrassa de sa couronne et on le crucifia la tête
à l'envers en plein soleil. Ses soldats survivants assistèrent à son
supplice. Les hommes mystérieux se livrèrent toute la journée à une cérémonie.
Un prêtre de Marduk était présent et semblait servir d'intermédiaire.
Lorsque le soleil commença à disparaître, on coupa la tête d'Astartis
qui roula au sol avec un bruit mat. Aménis n'était pas un érudit, mais
il savait ce qu'était un vampire. Cette idée lui revint lorsque les
hommes en noir choisir chacun un homme parmi les prisonniers. Ceux-ci ne
revinrent jamais.
Les autres prisonniers furent laissés à la
justice des Babyloniens et traités comme des rebelles. Ils furent jetés
ligotés dans des bacs en terre cuite qui ressemblaient fort à des
cercueils. On remplit ensuite ces cercueils d'eau bouillante et on referma
le couvercle, laissant les suppliciés profiter de leur agonie. Aménis ne
mourut pas tout de suite après avoir senti la morsure de l'eau brûlante
dans toute sa chair. Son esprit torturé réussit à analyser qu'on
transportait le cercueil dans lequel il était confiné, probablement vers
sa dernière demeure.
J'ai alors compris que l'esprit d'Amenis fut réveillé
près de 1000 ans plus tard pour être enfermé dans un nouveau corps, et
partager ses sensations avec celles d'un autre esprit, si l'on peut dire.
Les provisions du camp troglodyte semblent infinies. Nulle réserve ne se
vide à l'occasion des repas. Cependant, je n'ai pas l'occasion
d'approfondir ce mystère apparent. Tout au long de la nuit, un individu étrange
vient
régulièrement m'observer à travers les barreaux de ma cellule. Personne
ne
sait de qui il s'agit. Intrigué, je lui demande à la première
occasion ce qui se passe et ce qu'il désire, mais l'individu ne s'exprime
pas ou répond que rien de particulier ne l'intéresse et ne semble pas
non plus nécessiter de soins. Cependant, pris d'une intuition, je lui montre
mon
livre en lui demandant si celui-ci l'intéresse. L'individu semble fasciné.
A
travers les barreaux, je tourne les pages devant lui pour lui
montrer
que le livre n'a pas à être un objet de curiosité particulière, et
notamment
qu'il contient peu d'images, bref pour le démystifier. Mais, très vif, l'homme s'empare du grimoire
et
tente de s'enfuir.
Heureusement, Zendreff arrive face à lui au
moment où il s'élance dans le couloir. Ce dernier l'arrête
immédiatement, mais un inextricable méli-mélo s'ensuit. Plusieurs
individus semblent tenter d'aider le premier et surgir de nulle part.
L'action violente fait entrer en frénésie Kryss et Elkior, enfermés
dans les cellules adjacentes. Hurlants, ils tentent désespérément de
saisir toute chair fraîche passant à portée. Pour son malheur, un
individu blessé vient à chuter le long des barreaux d'Elkior et finit
dans d'atroces souffrances, dévoré vivant.
Lorsque la situation se calme, Zendreff commence
à faire le tri parmi les individus qui circulaient dans le secteur. Nous
traînons l'indigène par qui le scandale est arrivé auprès du Vieux. Il
semble évident que cet homme n'est pas maître de lui, mais victime de
quelque charme que je ne parviens pas à préciser. Après un long
interrogatoire, celui-ci, incapable de révéler quoi que ce soit,
précise sa mission et nous permet de monter un guet-apens.
Quelques heures plus tard, nous exterminons deux
vampires infiltrés dans le camp arabe après les avoir enfermés dans une
cave utilisée comme blanchisserie, lieu d'échange du grimoire. Kryss
défend la porte, tandis que Zendreff, au front, assisté par mes vagues
d'énergie mystique, attaque vaillamment les créatures démoniaques. Je
suis moi-même couvert par Elkior qui ne peut me faire face au risque
d'être balayé par l'onde divine, ce qui d'ailleurs finit tout de même
par arriver mais sans trop de gravité en ce qui le concerne.
Lorsque l'assaut est terminé, nous incendions la
pièce et les corps des intrus avec puis condamnons définitivement
l'accès en gravant moult formules, incantations et avertissements très
clairs quant à son contenu.
Lorsque le calme revient, Farar nous convie à le
rejoindre dans sa suite. Il semble avoir fait quelque découverte. Lorsque
nous arrivons, nous constatons qu'il n'est pas seul. Il s'adresse alors à
nous en parlant de son convive :
- Cernès était un Gardien. Il ne m’a
jamais révélé son origine, mais je pense qu’il aurait pu être
contemporain de Priam.
Évidemment, nous sommes totalement interloqués
! Comment est-il parvenu jusqu'ici ? Est-il passé par l'issue que j'ai
fait agrandir ? Priam, le roi de Troie ? Avant que nous n'ayons pu
prononcer une parole, L'individu prend la parole :
- Je suis moi-même un Gardien à part entière
depuis quelques 500 ans : les Gardiens ont pour mission de préserver l’équilibre
entre les humains et les Immortels. Nous intervenons lorsque les humains
approchent de trop près notre secret, et que cela risquerait de changer
le cours de l’Histoire. Nous aimons assimiler notre Ordre à la légende
d’Icarius. Seuls quelques rares humains, comme Farar, que nous avons
jugé
dignes de confiance connaissent notre secret.
- Nous intervenons également lorsque des Immortels
usent à mauvais escient de leur pouvoir. Attention, nous ne jugeons pas
leur moralité. Nous sommes les Gardiens du secret des Immortels. Nous
veillons à ce que soit respectée la règle d’or des Immortels : ne
jamais laisser de trace écrite de notre passage dans l’Histoire.
Il continue : - Farar m’a parlé du livre que vous avez trouvé
dans la nécropole d’Astartis. L’histoire d’Astartis s’est déroulée
bien avant ma naissance, mais est encore présente dans la mémoire des Gardiens. Il fut l’exemple parfait du type d’Immortel contre lequel
notre ordre lutte sans relâche. Celui-ci faillit échapper à notre contrôle
car il avait acquis une puissance phénoménale grâce à un Livre et
diverses reliques, comme une couronne, par exemple. A l’époque, les Gardiens
étaient intervenus pour effacer son passage dans l’Histoire.
Le Livre a été enfouit avec lui dans sa dernière demeure. Il
n’appartient cependant à personne. Il est dit qu’il possède
d’ailleurs sa propre volonté. Il n’y a donc aucune raison pour que je
vous prive de sa jouissance, si tant est que vous puissiez en tirer
avantages. Nous pensions qu’il était magique ou maudit, vestige de
temps oubliés où la magie était la science. Si cela est vrai vous en
avez déjà fait les frais.
- Ce qui m’étonne, c’est que Lo Gaï en ait eu
également connaissance. C’est l’Immortel que vous avez détruit. Je
suis sur sa trace depuis longtemps, mais il a dû dormir pendant
une cinquantaine d’année avant de réapparaître, pour accomplir ses
funestes projets. Lo Gaï était comme vous, Wilherman, il maîtrisait les
énergies surnaturelles avant même de devenir Immortel. D’après mes
sources, il aurait capturé un Immortel et l’aurait contraint à lui
transmettre le Don obscur. Le temps est ce qu’il manque le plus à ceux
qui veulent maîtriser la magie.
Je n'ai pas le temps de répondre quoi que ce
soit, l'invité enchaîne :
- Certaines légendes laissent entendre l’ordre
des Gardiens serait bien antérieur aux civilisations humaines. On lui
associe également la symbolique des "Sept Clefs ", sans que
l’on sache vraiment ce que sont ces clefs. Certains pensent que le Livre
des Morts serait une de ces clefs, mais personne n’en a jamais trouvé
d’autres à notre connaissance. D’autres pensent que ces clefs
ouvriraient les portes de la Cité Interdite. Mais cette Cité Interdite
serait elle-même un mystère ? Nous pensons qu’il est des secrets qu’il ne
vaut mieux pas chercher à déterrer. Sachez cependant que si vous en
faites mauvais usage ou si le fardeau vous pèse de trop, il y aura
certainement quelqu’un comme moi derrière vous. Lorsque vous serez prêts,
nous vous ferons peut-être une proposition. Très peu d’Immortels ont
connaissance de notre Ordre. Mais Farar a estimé que votre situation était
assez exceptionnelle pour justifier un traitement de faveur.
Imperceptiblement, l'individu salue l'intéressé
et continue :
Je ne peux malheureusement pas vous apprendre à
échapper à l’appel du sang lorsque le voile de la nuit met fin à la
morsure du soleil. J’ai appris le rituel il y fort longtemps et le répète
à chacun de ses couchers. Je sais qu’il faut un support particulier
pour pouvoir acquérir ce don. Je crois me rappeler qu’Eïdis était en
possession d’un parchemin de ce type. Mais je ne saurais vous en dire
plus. Je ne me suis jamais penché sur les sciences occultes autrement que
par extrême nécessité.
- Le devoir m’appelle en d’autre lieux, j’espère
que nos chemins se croiseront de nouveaux sous des hospices cléments.
Il incline le buste en portant la main à son cœur
et… semble disparaître sous nos yeux ! Je crois tout juste le voir
ralentir pour fermer la porte avec une impulsion raisonnable.
Pour connaître
la suite, suivez moi ! > |
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