Paru dans le numéro de
Octobre 1998 des Échos des Forets
A voir l'air enjoué de grand'mère me
regardant de son oeil malicieux, je sens qu'elle est
enfoncée dans ses souvenirs. Souvenirs, à coup sûr,
auxquels je ne suis pas étrangère... En effet...
- Te souviens-tu, ma petite fille des jours de
grande lessive au Faux-Pot ? Tu t'amusais tant !
- Oh oui grand'mère, cela ne s'oublie pas. Quelle
joie de me lever tôt le matin pour courir à la
buanderie où la lessive se préparait, où dans la
cheminée pétillait déjà de grosses bûches
rougissantes et fumantes. Au dessus de ces bûches
était suspendu à une crémaillère un immense
chaudron rempli d'eau qui commençait à bouillir.
Devant la cheminée, à quelque distance du brasier,
était posé sur un immense trépied en bois un baquet,
lui aussi en bois, également immense. Du moins
voyais-je tout cela immense du haut de mes 7 ans !
- Tout cela en effet, dit grand'mère, se devait
d'être grand, car la lessive de la famille n'avait
lieu que tous les trois mois, ce qui demandait une
grande quantité de linge... Un vrai trousseau !
- Si mes souvenirs sont exacts, la lessive était
faite à la cendre de bois ?
- Tu as raison, la cendre était déposée dans un
grand linge bien serré, que nous posions dans le
baquet par dessus le linge sale. L'eau bouillante du
chaudron était transportée sur la cendre par un pot
à eau cylindrique de 30cm de haut environ, en fer
galvanisé et possédant un très long manche en bois.
Le va-et-vient de ce pot plein d'eau bouillante devait
se faire à une cadence régulière du chaudron au
baquet. Le baquet rempli, la cendre faisait son travail
de nettoyage. Au bout d'un certain temps et afin de
récupérer l'eau de lessive, un robinet était prévu
en bas du baquet, cette eau devant à nouveau bouillir,
reprenant sa place dans le chaudron et le va-et-vient
reprenait sa cadence. Le linge une fois nettoyé était
battu sur une planche de bois avec un battoir en bois.
Ensuite rinçage et enfin étendage.
- L'étendage ! Ah grand'mère, c'est ce qui me
plaisait le plus, tu te souviens ? L'installation des
cordes d'un pommier à l'autre, sur des mètres et des
mètres... Quel souvenir ! Il y avait une rangée, deux
rangées, dix rangées, peut-être plus. Ces cordes
attendaient le linge propre mais encore mouillé bien
sûr. Là, grand'mère, je vais me moquer un peu... car
les premières et dernières rangées étaient
réservées aux draps afin que l'on ne vit pas... les
culottes, les soutiens-gorge, les chemises, les
camisoles et les bas... Sans oublier les bonnets de
coton de grand'père !... Je me demande encore qui
aurait bien pu voir cet étendage, au milieu d'un
herbage, loin de la route et loin des voisins !!!
- Oui, c'est vrai, mais les temps ont changé.
- Ma grande joie était de courir entre toutes ces
rangées de linge et de jouer à cache-cache avec ma
cousine Madeleine ! Ah, souvenirs... souvenirs...